L'IA : une technologie conçue majoritairement par les hommes et qui détruit d'abord les emplois majoritairement occupés par les femmes

Un progrès technologique porteur d’inégalités

L’intelligence artificielle, souvent présentée comme une révolution neutre et bénéfique pour tous, révèle en réalité une fracture grandissante entre les sexes. Loin d’être un simple outil d’efficacité, elle agit comme un miroir des déséquilibres sociaux, économiques et culturels déjà présents. Là où certains voient une promesse de modernité, d’autres, en particulier les femmes, perçoivent une nouvelle forme d’exclusion.

L’automatisation cible les métiers féminisés

Les métiers les plus menacés par l’automatisation – assistance administrative, secrétariat, comptabilité, services à la clientèle – sont précisément ceux où les femmes sont majoritaires. Ces emplois, essentiels mais souvent sous-valorisés, se trouvent en première ligne face à des systèmes capables de rédiger, classer, répondre ou traiter des données sans pause ni salaire. Lorsque les machines remplacent, elles ne le font pas au hasard : elles effacent d’abord les emplois du care, du soutien et de la communication, c’est-à-dire ceux où le travail féminin domine.

Les nouveaux métiers de l’IA, un terrain encore masculin

Les emplois créés par cette révolution technologique exigent des compétences techniques avancées : développement, ingénierie, data science, cybersécurité. Ces domaines demeurent largement masculins, héritage d’une éducation qui a trop longtemps découragé les filles de s’engager dans les filières scientifiques et informatiques. Le risque est donc de remplacer des emplois féminins précaires par des emplois masculins valorisés, aggravant ainsi la fracture économique et sociale.

Des algorithmes façonnés par des biais masculins

Les biais de genre ne sont pas une fatalité technologique, mais le produit d’une gouvernance déséquilibrée. Les décideurs, les concepteurs et les investisseurs du monde de l’IA sont majoritairement des hommes. Ils choisissent les données, les critères et les usages, souvent sans se rendre compte que leurs modèles reproduisent des stéréotypes de genre. Ainsi, des algorithmes de recrutement ont déjà discriminé les femmes, jugeant leur profil moins compétitif, ou leurs voix moins « crédibles ». L’IA n’est pas sexiste en soi, mais elle le devient lorsqu’elle absorbe les préjugés du monde qui la conçoit.

Une opportunité d’émancipation encore à saisir

Pourtant, l’intelligence artificielle pourrait aussi devenir un levier d’égalité. Bien utilisée, elle pourrait libérer les femmes de certaines tâches répétitives, faciliter la conciliation entre vie professionnelle et personnelle, ou encore ouvrir de nouvelles formes d’entrepreneuriat numérique. Mais pour cela, il faut repenser entièrement la manière dont la technologie est conçue et déployée. L’égalité ne viendra pas de la machine, mais de la volonté humaine de la programmer autrement.

L’éducation et la formation comme leviers essentiels

La transformation passe d’abord par l’éducation. Il faut donner aux filles les moyens d’accéder aux métiers technologiques, repenser les programmes scolaires, combattre les stéréotypes et multiplier les modèles féminins dans la recherche et l’innovation. C’est en intégrant la perspective de genre dès la formation que les futures générations d’ingénieures et de chercheuses pourront façonner une IA plus juste et inclusive.

Une gouvernance équilibrée et responsable

L’égalité ne se décrète pas, elle s’organise. Il est indispensable d’intégrer davantage de femmes dans les équipes de conception, de régulation et d’évaluation des technologies. Aucun modèle ne devrait être validé sans une analyse de son impact sur les inégalités entre les sexes. De la même manière, les politiques publiques doivent accompagner la transition numérique en protégeant prioritairement les femmes dont les métiers sont menacés.

L’IA, révélateur de nos choix collectifs

L’intelligence artificielle n’est pas une entité autonome, mais le prolongement de nos valeurs. Si elle amplifie aujourd’hui les inégalités, c’est parce que le monde qui la crée reste inégalitaire. Le futur du travail, celui où les femmes auront ou non leur place, dépendra moins des algorithmes que de la conscience politique et sociale qui les encadre. Si l’égalité devient un principe fondateur du progrès technologique, alors l’IA pourra être non pas une menace, mais un instrument d’émancipation et de justice.


Source : OIT 

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