Briser le silence sur les violences sexistes et sexuelles au sein de l’Éducation nationale

L’institution scolaire est supposée être un espace de transmission, d’apprentissage et de confiance. Pourtant, derrière les discours républicains sur l’égalité, de nombreuses travailleuses et travailleurs de l’Éducation nationale continuent de subir des violences sexistes et sexuelles. Ce paradoxe est d’autant plus alarmant que l’École devrait être exemplaire dans la lutte contre ces violences.

Les données existantes montrent un phénomène massif. Selon l’enquête Genèse (2021), deux femmes sur cinq déclarent avoir déjà subi des violences sexistes ou sexuelles dans leur vie professionnelle, et une sur cinq rapporte des comportements inappropriés à caractère sexuel sur son lieu de travail.

Dans l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur, les chiffres sont encore plus élevés. Une enquête menée par SUD éducation en 2024 indique que près de 60 % des personnels interrogés disent avoir été victimes de violences sexistes ou sexuelles. Les faits rapportés vont des remarques humiliantes aux agressions physiques et sexuelles, sans oublier les pressions hiérarchiques et la mise à l’écart.

Un risque aggravé pour certaines catégories de personnels

Ces violences ne touchent pas toutes les personnes de la même manière. La précarité professionnelle augmente la vulnérabilité : les contractuelles, les AED, les personnels en début de carrière sont exposés à des rapports de pouvoir défavorables.

De plus, les femmes racisées, les femmes en situation de handicap et les personnes LGBTQIA+ sont statistiquement bien plus souvent victimes de ces violences. Cela s’inscrit dans un continuum de discriminations où le sexisme se combine avec le racisme, l’homophobie, la transphobie ou le validisme.

  • 85 % des personnes trans déclarent avoir été agressées au cours de leur vie ;
  • 80 % des femmes handicapées ont déjà subi des violences ;
  • 60 % des agressions LGBTIphobes sont commises par des hommes cisgenres.

L’École n’échappe pas à ces mécanismes sociaux. Elle les reproduit.

La violence ne s’arrête pas à l’acte : elle continue dans le traitement institutionnel

Les conséquences des violences sont lourdes. La santé mentale est la première touchée : anxiété, isolement, dépression, perte de confiance. Selon l’étude ENVEFF, 95 % des victimes rapportent des impacts directs sur leur équilibre psychologique, et une agression sexuelle augmente drastiquement le risque de tentative de suicide.

S’ajoutent les difficultés matérielles : frais d’avocat (souvent entre 4 000 et 6 000 €), consultations thérapeutiques, arrêts maladie moins bien indemnisés depuis la mise en place du jour de carence, perte de primes. Être victime, c’est déjà payer un coût personnel, psychologique et financier.

Et pourtant, l’institution ne protège pas. Dans une large majorité des cas, l’administration minimise, refuse d’enquêter, renvoie la victime vers la justice, ou classe le dossier comme un simple “conflit interpersonnel”. Certaines victimes sont invitées à continuer de travailler avec leur agresseur.

C’est ce qu’on appelle la violence institutionnelle ou victimisation secondaire.

La loi existe, mais elle n’est pas appliquée

Le cadre légal est pourtant clair :

  • la circulaire du 9 mars 2018 impose la prévention et la protection des victimes ;
  • la Convention d’Istanbul (2011) interdit toute médiation en cas de violence ;
  • la protection fonctionnelle garantit un accompagnement juridique, médical et administratif.

Pourtant :

  • une personne sur deux ne reçoit aucune réponse après un signalement ;
  • 83 % estiment ne pas avoir été soutenues par leur hiérarchie.

Ce n’est pas une série de cas isolés : c’est un système défaillant.

Ce qui doit changer maintenant

  • Sanctionner réellement les auteurs, quelle que soit leur position hiérarchique.
  • Appliquer intégralement la circulaire de 2018 et les textes internationaux déjà en vigueur.
  • Supprimer le jour de carence.
  • Rétablir l’indemnisation à 100 % du salaire pendant les arrêts maladie liés aux violences.
  • Former systématiquement les responsables chargés des signalements.

Connaître ses droits lorsqu’on est victime de violences au travail

  • Consigner les faits dans le registre santé-sécurité ou danger grave et imminent.
  • Contacter la médecine du travail.
  • Demander la protection fonctionnelle.
  • Saisir le procureur ou porter plainte.
  • Saisir le Défenseur des droits.
  • Se faire accompagner par un syndicat ou une structure spécialisée.
Source : Sud éducation 

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