Les sociétés ont toujours été patriarcales : le mythe du matriarcat et les réalités d’aujourd’hui
Malgré les récits, les fantasmes ou les reconstructions historiques, aucune société humaine n’a jamais fonctionné sur un véritable modèle matriarcal. À l'inverse, le patriarcat domine l’histoire et continue de façonner la grande majorité des sociétés actuelles. À travers le prisme du pouvoir, de la sexualité, des droits conjugaux et de la filiation, la domination masculine s'est inscrite dans les lois, les coutumes et les mentalités.
Le patriarcat : une constante historique
Depuis les premières civilisations organisées, les hommes ont occupé les fonctions politiques, militaires, religieuses et économiques majeures. Le droit romain, les monarchies européennes, les royaumes africains, les empires asiatiques ou les sociétés amérindiennes étaient tous régis par des hiérarchies masculines.
Même les sociétés qui attribuaient des rôles religieux importants aux femmes (comme prêtresses ou guérisseuses) ne leur reconnaissaient pas de pouvoir décisionnel équivalent à celui des hommes.
L’histoire universelle, qu’elle soit écrite en Europe, en Asie, en Afrique ou en Amérique, porte la marque profonde de ce système de domination masculine.
La polygamie : un privilège exclusivement masculin
Parmi les signes flagrants du patriarcat institutionnalisé, la polygamie masculine en est une illustration brutale. Dans de nombreux pays, un homme peut légalement épouser plusieurs femmes, mais l’inverse est strictement interdit.
Voici une liste non exhaustive de pays où la polygamie masculine est toujours légale (avec le nombre d’épouses autorisé entre parenthèses, si précisé) :
- Afrique du Sud (sans limite fixée – sous le droit coutumier)
- Nigeria (jusqu'à 4 femmes – droit musulman ou coutumier selon les régions)
- Kenya (sans limite légale – Polygamy Act de 2014)
- Congo (RDC) (légal selon la coutume)
- Sénégal, Mali, Cameroun, Tchad, Niger (jusqu’à 4 épouses)
- Indonésie (jusqu'à 4, sous conditions religieuses ou coutumières)
- Malaisie (jusqu'à 4 – pour les musulmans)
- Brunei, Émirats arabes unis, Qatar, Koweït, Jordanie, etc.
Cette pratique est toujours légale dans plus de 40 pays, principalement en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Elle est presque toujours interdite aux femmes, et aucun pays ne reconnaît aujourd’hui la polyandrie (une femme avec plusieurs maris) dans son code civil ou pénal.
Polyandrie : une réalité coutumière marginale et non institutionnelle
Bien que le droit moderne ne l’autorise nulle part, certaines pratiques coutumières de polyandrie ont été documentées dans des sociétés spécifiques. Ces cas restent extrêmement rares et géographiquement limités.
Parmi les exemples connus :
- Chez les Nyar de l’État du Kerala (Inde) : dans certaines pratiques matrilinéaires anciennes, les femmes pouvaient avoir plusieurs partenaires masculins. Ce n’est plus une réalité légale.
- Au Tibet (rural), au Népal et dans quelques zones de l’Himalaya : dans les sociétés agricoles où la terre est précieuse, plusieurs frères peuvent épouser la même femme pour éviter la fragmentation des terres. C’est une solution économique plus qu’un droit donné aux femmes.
- Chez les Mosuo (Chine) : société matrilinéaire où les femmes choisissent leurs partenaires mais sans lien de mariage ou de cohabitation. Ce n’est pas une polyandrie formelle, mais une liberté sexuelle féminine coutumière.
Aucune de ces pratiques ne donne à la femme un statut juridique ou politique dominant sur les hommes.
Matrilinéaire, matrilocal… mais jamais matriarcal
Il faut distinguer plusieurs types de sociétés à composante féminine, souvent confondues avec des "matriarcats" :
🔸 Matrilinéaire
La filiation et l’héritage passent par la lignée maternelle. Les enfants appartiennent au clan de la mère.
Exemple : les Minangkabau (Indonésie), les Akan (Ghana), ou les Bribri (Costa Rica).
🔸 Matrilocal
Le couple s’installe dans la maison ou le village de la mère de la femme après le mariage.
Cela peut renforcer le poids symbolique ou social des femmes, sans leur donner le pouvoir politique.
🔸 Matrifocal
La famille est centrée sur la mère. C’est souvent une conséquence de l’absence ou de la marginalité sociale des hommes, notamment dans les Caraïbes ou dans certaines zones urbaines pauvres. Ce n’est pas un matriarcat, mais une structure familiale déséquilibrée.
Dans toutes ces formes, les femmes peuvent jouer un rôle central, mais elles ne dominent pas les hommes ni ne contrôlent les sphères de pouvoir. Les chefs politiques ou religieux restent souvent masculins.
Conclusion : un monde encore profondément patriarcal
L’idée de sociétés matriarcales fait rêver, mais elle repose davantage sur des mythes que sur des faits. L’histoire humaine, sous toutes les latitudes, s’est construite dans une structure dominée par les hommes, que ce soit dans les règles matrimoniales, les systèmes de filiation, ou l’accès au pouvoir.
Même aujourd’hui, aucun pays ne reconnaît le droit pour une femme d’épouser plusieurs hommes, tandis qu’une quarantaine de pays autorisent explicitement la polygamie masculine. Les sociétés matrilinéaires ou matrilocales ne sont pas des contre-modèles du patriarcat, mais des variantes culturelles au sein d’un ordre où le pouvoir reste majoritairement masculin.
Le matriarcat reste un idéal, pas encore une réalité, loin de là.
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