Au Japon, les femmes toujours contraintes d’abandonner leur nom de naissance après le mariage
Dans un pays aussi moderne et technologiquement avancé que le Japon, certaines lois restent pourtant figées dans un passé profondément patriarcal. L’article 750 du Code civil japonais impose aux couples mariés d’adopter un seul et même nom de famille. Et dans 95 % des cas, c’est celui de l’homme qui est conservé. Cette règle, encore en vigueur aujourd’hui, soulève des questions fondamentales sur l’égalité entre femmes et hommes dans la sphère familiale et sociale.
Une règle d’un autre siècle
Instaurée en 1898, cette obligation de nom unique repose sur l’idée que la femme entre dans la famille de son mari, et que l’unité familiale doit être représentée par un seul nom : celui de l’homme. Si la loi ne précise pas explicitement lequel des deux noms doit être choisi, la pression sociale et les usages font que ce sont presque toujours les femmes qui renoncent à leur nom de naissance.
Ce système est unique parmi les pays du G7 et heurte les principes d’égalité et d’autonomie personnelle. Il place de nombreuses Japonaises face à un choix douloureux : renoncer à leur nom d’origine — souvent lié à leur carrière, leur réputation ou leur sentiment d’identité — ou refuser le mariage civil.
Une contestation croissante
En 2015, plusieurs femmes ont porté l’affaire devant la Cour suprême du Japon. Leur objectif : faire reconnaître le caractère discriminatoire de cette loi. La plus haute juridiction a toutefois jugé la règle conforme à la Constitution, tout en reconnaissant que la société japonaise évolue et qu’une réforme pourrait être souhaitable à l’avenir.
Selon un sondage national réalisé en 2021, près de 63 % des Japonais sont favorables à ce que les couples puissent chacun conserver leur nom après le mariage. Malgré cette majorité, aucune réforme concrète n’a été votée.
Une pression internationale ignorée
Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a plusieurs fois appelé le Japon à revoir cette législation. En 2024 encore, il a exhorté le pays à autoriser le mariage sous noms séparés, dénonçant une règle sexiste sans équivalent dans les démocraties avancées.
La persistance de cette loi est révélatrice de résistances culturelles profondes. Certains membres du Parti libéral-démocrate (au pouvoir) affirment qu’autoriser les noms séparés menacerait la "cohésion familiale", une idée qui continue de bloquer les avancées malgré les demandes de la société civile.
Une réforme qui tarde, une égalité qui piétine
Dans une société où les femmes restent sous-représentées dans les instances de pouvoir, et où l’inégalité salariale demeure importante, l’affaire du nom de famille n’est pas qu’un symbole. Elle montre à quel point le droit peut encore servir à reproduire des rapports de domination.
Alors que le Japon est admiré pour sa rigueur, son innovation et sa culture, cette règle désuète contraste violemment avec l’image progressiste du pays. Elle rappelle qu’aucun État, aussi développé soit-il, n’est à l’abri de lois discriminatoires tant qu’elles ne sont pas explicitement remises en cause.
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