Inégalités professionnelles femmes-hommes : entre progrès et résistances structurelles
Dans un entretien accordé au magazine La vie en bleu CFTC (mars 2025), Anne Brunner, directrice des études à l’Observatoire des inégalités, dresse un état des lieux des inégalités persistantes entre femmes et hommes dans le monde du travail.
Écarts de rémunération :
Selon l’Insee, en 2022, les femmes ont perçu en moyenne 24 % de moins que les hommes sur l’ensemble de l’année. Cet écart s'explique principalement par un recours plus fréquent au temps partiel chez les femmes (27 % contre 9 % chez les hommes) et des interruptions de carrière plus fréquentes. Même à temps de travail égal, un écart de 14 % subsiste, en raison de la concentration des femmes dans des secteurs et postes moins rémunérés. Après ajustement selon le métier, un écart inexpliqué de 4 % demeure, attribuable à une possible discrimination salariale pure.
Évolution historique
L’écart de salaire pour un temps complet a diminué, passant de 60 % dans les années 1960 à 16 % aujourd’hui. Cependant, cette réduction ralentit, et les femmes restent sous-représentées parmi les cadres (45 %) et les hauts revenus (34 % parmi les 10 % les mieux payés).
Obstacles structurels
La ségrégation professionnelle persiste, avec une sous-représentation des femmes dans les domaines scientifiques et techniques. Les stéréotypes de genre influencent les choix d’orientation dès le plus jeune âge. De plus, les femmes assument une part disproportionnée des tâches domestiques et familiales, impactant leur carrière.
S’ajoute la « pénalité parentale » : selon une étude du Conseil d’analyse économique (note n°83, novembre 2024), la naissance d’un enfant entraîne une perte moyenne de 38 % de revenus sur dix ans pour les femmes concernées, en lien avec le temps partiel, le renoncement à des promotions ou l’abandon de l’emploi.
Politiques publiques recommandées
Anne Brunner identifie trois leviers d'action :
1. Améliorer l’accueil des jeunes enfants, en quantité, qualité et flexibilité horaire.
2. Étendre et rendre obligatoire une partie du congé paternité, pour favoriser un partage équitable des responsabilités parentales.
3. Agir dès l’école pour lutter contre les stéréotypes de genre et promouvoir la mixité dans les filières de formation.
Actions en entreprise
Brunner souligne que l'index de l’égalité professionnelle, obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, ne suffit pas. Elle appelle à une attention accrue aux conditions de travail et à la rémunération des femmes ouvrières et employées, ainsi qu'à une lutte renforcée contre les violences sexistes et sexuelles.
Perception sociale
Malgré les obstacles, une évolution des mentalités est néanmoins sans équivoque : en 2000, 50 % des Français estimaient que les femmes devaient rester à la maison pour élever les enfants ; en 2025, ils ne sont plus que 20 % à partager cette opinion.
Sources : Observatoire des inégalités / inegalités.fr
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