Sierra Leone : Une avancée historique dans la lutte contre le mariage des enfants
Introduction
Le 2 juillet 2024, la Sierra Leone a franchi une étape historique dans la protection des droits de l'enfant. Le président Julius Maada Bio a promulgué la loi sur l'interdiction du mariage des enfants, marquant l'aboutissement d'années de mobilisation de la société civile, des organisations internationales et du gouvernement. Cette législation criminalisé le mariage de toute personne de moins de 18 ans, une pratique qui touchait environ 30% des jeunes filles du pays. Cette avancée législative représente un tournant majeur pour la Sierra Leone, nation d'Afrique de l'Ouest où le mariage précoce constituait l'une des violations des droits les plus répandues, affectant profondément l'éducation, la santé et l'avenir de milliers de filles chaque année.
Le contexte alarmant du mariage des enfants en Sierra Leone
L'ampleur du phénomène
Avant l'adoption de cette loi, la Sierra Leone figurait parmi les pays du monde présentant les taux de mariage d'enfants les plus élevés. Les statistiques révélaient une situation critique : 30% des femmes âgées de 20 à 24 ans avaient été mariées avant l'âge de 18 ans, et 9% avant l'âge de 15 ans. En 2017, le pays comptait environ 800 000 épouses mineures, dont la moitié avaient moins de 15 ans au moment de leur mariage.
La répartition géographique de cette pratique était inégale. Les districts du nord et de l'est du pays enregistraient les taux les plus élevés, tandis que les régions du sud et particulièrement la capitale Freetown présentaient des chiffres plus faibles. Les zones rurales restaient les plus touchées, où les traditions et les normes sociales perpétuaient cette pratique génération après génération.
Les facteurs déterminants
Plusieurs facteurs structurels alimentaient la persistance du mariage des enfants en Sierra Leone. La pauvreté extrême jouait un rôle central, le pays étant classé parmi les plus pauvres au monde. Les familles démunies voyaient parfois le mariage de leurs filles comme un moyen d'obtenir une dot, de réduire leurs charges financières ou d'offrir ce qu'elles considéraient comme une vie meilleure à leurs enfants.
Le niveau d'éducation constituait un autre déterminant majeur. Plus de la moitié des filles n'ayant reçu aucune éducation formelle étaient mariées avant 18 ans, contre seulement 10% de celles ayant accédé à l'enseignement supérieur. Cette corrélation s'expliquait en partie par la perception culturelle selon laquelle les filles étaient destinées à rejoindre une autre famille par le mariage, rendant l'investissement dans leur éducation moins prioritaire aux yeux de nombreux parents.
L'inégalité de genre profondément ancrée dans la société sierra-léonaise constituait la racine du problème. Les filles étaient considérées comme inférieures aux garçons, leur valeur étant souvent mesurée à l'aune de leur capacité à se marier et à procréer. Cette vision limitait drastiquement leurs opportunités éducatives et économiques.
L'héritage de la guerre civile et de l'épidémie d'Ebola
La guerre civile sierra-léonaise (1991-2002) a laissé des séquelles profondes qui ont exacerbé le problème du mariage des enfants. Durant le conflit, plus de 70% des victimes de violences sexuelles étaient des filles de moins de 18 ans, et plus de 20% avaient moins de 11 ans. De nombreuses jeunes filles ont été enrôlées de force comme enfants soldats et ont subi des violences sexuelles systématiques.
L'épidémie d'Ebola de 2014 à 2016 a également eu un impact dévastateur. La fermeture prolongée des écoles et l'effondrement des services de protection ont créé un environnement propice à la recrudescence des grossesses précoces et des mariages d'enfants. Face à des difficultés économiques accrues, certaines familles ont eu recours au mariage précoce comme stratégie de survie.
Les conséquences dévastatrices du mariage précoce
Impact sur la santé maternelle et infantile
Le mariage des enfants en Sierra Leone était directement lié aux taux alarmants de mortalité maternelle et de grossesses adolescentes. En 2020, le pays affichait un taux de fertilité adolescente de 107 naissances pour 1 000, plus du double de la moyenne mondiale. Les complications liées à la grossesse et à l'accouchement constituaient la première cause de décès chez les filles âgées de 15 à 19 ans.
Le taux de mortalité maternelle atteignait 1 360 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2015, l'un des plus élevés au monde. Les jeunes filles mariées précocement étaient particulièrement vulnérables en raison de leur immaturité physique et psychologique. Elles rencontraient des difficultés à accéder aux soins prénataux et à bénéficier d'accouchements en milieu hospitalier, aggravant les risques pour leur santé et celle de leurs enfants.
Obstacles à l'éducation
Le mariage précoce entraînait quasi systématiquement l'abandon scolaire des jeunes filles. Une fois mariées, elles étaient contraintes d'assumer des responsabilités d'adulte : travaux domestiques, agriculture, collecte de bois et surtout soins aux enfants. Ces obligations les empêchaient de poursuivre leur éducation et de développer des compétences professionnelles.
Cette interruption éducative avait des répercussions à long terme sur leurs perspectives économiques et leur capacité à devenir des citoyennes actives et indépendantes. Sans éducation ni formation, ces jeunes femmes se retrouvaient piégées dans un cycle de pauvreté et de dépendance, incapables de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
Violences et traumas psychologiques
Les mariages d'enfants exposaient les jeunes filles à des risques accrus de violences domestiques et sexuelles. L'écart d'âge important entre les époux plaçait les jeunes mariées dans une position de vulnérabilité extrême, limitant leur capacité à négocier des relations sexuelles protégées ou à refuser des rapports non désirés.
Sur le plan psychologique, le mariage précoce privait les filles de leur enfance et de leur adolescence, périodes cruciales pour le développement de l'identité et de l'autonomie. Elles étaient brutalement projetées dans un monde adulte pour lequel elles n'étaient pas préparées, causant des traumas durables et affectant leur bien-être mental.
La mobilisation pour le changement
La campagne "Hands Off Our Girls"
La lutte contre le mariage des enfants en Sierra Leone a connu une impulsion décisive avec le lancement de la campagne "Hands Off Our Girls" en décembre 2018. Initiée par la Première Dame Fatima Maada Bio et officiellement lancée par le président Julius Maada Bio, cette campagne ambitieuse visait à mettre fin au mariage des enfants, réduire les grossesses adolescentes et combattre les violences basées sur le genre.
La campagne a été déployée dans 14 districts à travers le pays, touchant plus d'un million de participants incluant enseignants, élèves, chefs traditionnels, autorités religieuses, jeunes, médias et organisations de la société civile. Un total de 149 chefs suprêmes (Paramount Chiefs) se sont officiellement engagés à mettre fin au mariage des enfants dans leurs juridictions, devenant des champions de la cause.
L'engagement personnel de la Première Dame, elle-même survivante d'un mariage précoce évité de justesse, a donné à la campagne une résonance particulière. Son plaidoyer passionné, tant au niveau national qu'international, a attiré l'attention mondiale sur cette problématique et mobilisé des soutiens cruciaux.
Le rôle des organisations internationales
Des organisations internationales ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre le mariage des enfants en Sierra Leone. Le Programme mondial conjoint UNFPA-UNICEF pour accélérer l'action visant à mettre fin au mariage d'enfants a fait de la Sierra Leone l'un de ses 12 pays prioritaires.
Entre 2017 et 2022, ce programme a permis à 18 220 adolescentes de participer à des programmes d'éducation à la santé sexuelle, 3,3 millions de garçons et de filles d'accéder à des messages sur l'égalité de genre via les réseaux sociaux, et 40 000 jeunes de participer à des conversations sur l'égalité de genre et le mariage des enfants. Plus de 1 155 adolescentes des districts de Koinadugu, Pujehun et Kambia ont été soutenues pour s'inscrire ou rester à l'école primaire et secondaire.
Des organisations comme Save the Children, Amnesty International, Human Rights Watch et Girls Not Brides ont également mené des actions de sensibilisation, de formation et de plaidoyer. Des espaces sûrs ont été créés pour offrir aux adolescentes des informations sur la santé reproductive, des compétences de vie et un soutien psychosocial. Des groupes de réponse aux crises ont été mis en place au niveau des districts pour surveiller et répondre aux cas de mariage d'enfants.
La mobilisation des jeunes filles
L'une des dimensions les plus remarquables de cette mobilisation a été l'engagement direct des jeunes filles elles-mêmes. Des adolescentes formées comme championnes de Save the Children ont mené des campagnes de sensibilisation dans leurs communautés. L'histoire de Kuji, 19 ans, qui a réussi à empêcher le mariage de sa cousine Kpemeh, 15 ans, et à la soutenir pour qu'elle retourne à l'école, illustre cette dynamique. Kpemeh est ensuite devenue elle-même une championne, rejoignant sa cousine pour convaincre tous les chefs de leur district dans l'est du pays d'interdire cette pratique.
Ces clubs de filles dans des espaces sûrs ont permis aux adolescentes de discuter des pièges qui menaçaient leur vie : grossesses précoces, mariages d'enfants, violences sexuelles basées sur le genre et décrochage scolaire. Ces espaces ont offert des opportunités de développement personnel, d'autonomisation et de solidarité entre jeunes filles.
La loi sur l'interdiction du mariage des enfants de 2024
Le processus législatif
Le 21 juin 2024, le Parlement sierra-léonais a approuvé le projet de loi sur l'interdiction du mariage des enfants. Onze jours plus tard, le 2 juillet 2024, lors du lancement de la campagne "We Are Equal" au Freetown Conference Centre, le président Julius Maada Bio a signé la loi, la transformant officiellement en législation nationale.
Ce moment historique couronnait des années de plaidoyer et représentait l'harmonisation de lois auparavant contradictoires. Avant cette réforme, la Loi sur les droits de l'enfant de 2007 fixait l'âge minimum du mariage à 18 ans, mais la Loi sur le mariage et le divorce coutumiers de 2009 autorisait le mariage de mineurs avec le consentement parental, sans stipuler d'âge minimum. Cette incohérence créait un vide juridique exploité pour perpétuer les mariages précoces.
Les dispositions de la loi
La nouvelle législation établit fermement 18 ans comme âge minimum légal du mariage en Sierra Leone, sans exception aucune. Elle criminalise toutes les formes de mariage et de cohabitation impliquant un enfant, y compris l'aide et la complicité.
Les sanctions prévues sont sévères : tout homme mariant une fille de moins de 18 ans encourt au moins 15 ans de prison et une amende d'au moins 50 000 leones (environ 2 083 euros). Les parents ou personnes assistant à de telles cérémonies de mariage sont également passibles d'amendes. La loi établit différentes catégories d'infractions, incluant la participation aux cérémonies de mariage d'enfants, la cohabitation avec un mineur, et l'aide ou l'encouragement au mariage d'un enfant.
Au-delà de la criminalisation, la loi prévoit des mesures de protection et de soutien pour les victimes. Elle garantit l'accès des filles affectées par le mariage précoce à des services de conseil, de protection, d'éducation et de soutien. Elle établit également un système de compensation pour les victimes en cas d'annulation d'un mariage, reconnaissant ainsi les préjudices subis et offrant une voie de réparation.
La portée symbolique et juridique
Cette législation représente bien plus qu'un simple texte de loi. Elle envoie un message clair sur les valeurs que la Sierra Leone entend promouvoir : la dignité, l'égalité et les droits fondamentaux de chaque enfant. En criminalisant le mariage des enfants sans exception, elle affirme que cette pratique est inacceptable, quelles que soient les justifications culturelles ou économiques invoquées.
La loi établit également un précédent important pour d'autres pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre confrontés à des défis similaires. Des nations comme la Tanzanie et la Zambie observent attentivement l'expérience sierra-léonaise, envisageant de réviser leurs propres législations pour éliminer toutes les dispositions permettant le mariage des enfants.
Les défis de la mise en œuvre
Sensibilisation et changement des mentalités
La promulgation de la loi n'est que le début d'un processus de transformation sociale de longue haleine. Le défi principal réside dans la mise en œuvre effective de cette législation et dans le changement profond des mentalités et des normes sociales qui sous-tendent la pratique du mariage des enfants.
Le gouvernement sierra-léonais et ses partenaires doivent mener des campagnes de sensibilisation intensives, particulièrement dans les zones rurales où le mariage précoce reste largement accepté. Ces efforts doivent cibler tous les acteurs : parents, chefs traditionnels et religieux, enseignants, jeunes et communautés entières. L'objectif est de transformer les attitudes qui dévaluent systématiquement les filles et de promouvoir une nouvelle vision où chaque fille a le droit de grandir, de s'éduquer et de choisir son propre avenir.
Formation des acteurs de justice
L'application effective de la loi nécessite la formation et la mobilisation de tous les acteurs du système judiciaire : police, magistrats, avocats et travailleurs sociaux. Ces professionnels doivent comprendre les dispositions de la loi, être sensibilisés aux enjeux du mariage des enfants et être équipés pour identifier, signaler et traiter les cas.
Les comités de bien-être de l'enfant établis en vertu de la Loi sur les droits de l'enfant de 2007 doivent être renforcés et habilités à jouer un rôle actif dans la surveillance et la prévention du mariage des enfants dans leurs juridictions. Des mécanismes de signalement sûrs et accessibles doivent être mis en place pour permettre aux filles, à leurs familles et aux témoins de signaler les tentatives de mariage forcé.
Approche multisectorielle
Les experts et organisations de défense des droits soulignent que la criminalisation seule ne suffit pas. Une approche holistique et multisectorielle est indispensable pour s'attaquer aux causes profondes du mariage des enfants. Cette approche doit inclure des investissements gouvernementaux substantiels dans des services et politiques transformateurs en matière de genre.
L'éducation gratuite et obligatoire pour tous les enfants, garçons et filles, constitue un pilier fondamental. La loi sur l'éducation adoptée en 2023, garantissant 13 ans d'éducation gratuite incluant une année de préscolaire, le primaire et le secondaire, complète parfaitement la loi contre le mariage des enfants. Maintenir les filles à l'école réduit considérablement le risque de mariage précoce et de grossesse adolescente.
Des programmes de soutien économique pour les familles vulnérables sont également essentiels. Si la pauvreté demeure un facteur clé poussant les familles à marier leurs filles, des alternatives économiques doivent être proposées : programmes de génération de revenus, microcrédits, transferts monétaires conditionnels liés à la scolarisation des filles.
L'accès aux services de santé reproductive et aux informations sur la contraception pour les adolescentes doit être amélioré. Les filles déjà mariées ou ayant des enfants nécessitent un soutien particulier pour accéder aux soins de santé maternelle, à la planification familiale et à des opportunités de réintégration scolaire ou de formation professionnelle.
Risques des conséquences non intentionnelles
Des organisations comme Girls Not Brides et Amnesty International mettent en garde contre les conséquences potentiellement négatives non intentionnelles de la criminalisation du mariage des enfants. Dans certains contextes, des approches punitives strictes peuvent paradoxalement nuire aux filles qu'elles visent à protéger.
Les filles déjà mariées pourraient se retrouver stigmatisées ou marginalisées. Les familles pourraient dissimuler les mariages existants par crainte de poursuites, privant ainsi les filles de l'accès aux services de santé, d'éducation et de protection dont elles ont besoin. Dans certains cas, des filles ont été poursuivies ou criminalisées pour leur propre mariage, une situation contraire à l'esprit de protection de la législation.
Pour éviter ces écueils, la mise en œuvre de la loi doit être guidée par le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les poursuites doivent cibler ceux qui organisent, facilitent ou profitent des mariages d'enfants, et non les victimes elles-mêmes. Un accent particulier doit être mis sur la prévention, la protection et le soutien plutôt que sur la seule répression.
Les premiers pas et perspectives d'avenir
Réactions internationales
L'adoption de la loi sur l'interdiction du mariage des enfants en Sierra Leone a été saluée internationalement comme une avancée historique. Le Bureau des Affaires africaines des États-Unis a qualifié cette législation d'étape importante protégeant non seulement les filles mais promouvant également des protections robustes des droits humains.
Samira Daoud, Directrice régionale d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, a déclaré accueillir favorablement cette loi historique interdisant le mariage des enfants en Sierra Leone, la décrivant comme une étape majeure dans la lutte contre les violences basées sur le genre. Betty Kabari de Human Rights Watch a souligné que la législation devrait briser le cycle du mariage précoce et ses conséquences dévastatrices.
Patrick Analo, Directeur national de Save the Children pour la Sierra Leone, a qualifié ce moment d'historique et d'accomplissement extraordinaire pour les enfants à travers le pays qui ont milité pour leurs droits, affirmant que les filles mariées jeunes sont non seulement privées de leur enfance mais aussi de leur avenir.
Témoignages de changement
Des histoires individuelles illustrent l'impact potentiel de cette nouvelle législation. Une ancienne jeune mariée sierra-léonaise de 21 ans, forcée au mariage à l'âge de 14 ans, a déclaré à Reuters qu'elle envisageait de saisir la justice, la nouvelle loi lui permettant de demander l'annulation de son mariage.
Les témoignages de jeunes filles engagées dans la lutte contre le mariage précoce révèlent une transformation des mentalités parmi la jeune génération. Ces adolescentes devenues championnes du changement dans leurs communautés incarnent l'espoir d'un avenir différent pour les filles sierra-léonaises.
Enjeux connexes
Parallèlement au mariage des enfants, d'autres pratiques néfastes persistent en Sierra Leone et nécessitent une attention urgente. La mutilation génitale féminine affecte 86% des femmes et des filles du pays, constituant à la fois une violation grave des droits humains et un facteur aggravant le mariage précoce, les deux pratiques étant souvent liées dans les communautés traditionnelles.
Les violences sexuelles et basées sur le genre demeurent prévalentes. En février 2019, le président Bio a déclaré l'état d'urgence national sur le viol et les violences sexuelles, conduisant à la révision de la Loi sur les infractions sexuelles en septembre 2019. Cette décision faisait suite à la campagne "Hands Off Our Girls" et témoigne d'une volonté gouvernementale de s'attaquer globalement aux violations des droits des femmes et des filles.
Vision pour l'avenir
La Sierra Leone s'est engagée à éliminer complètement le mariage des enfants d'ici 2030, conformément aux Objectifs de développement durable des Nations Unies. Cet objectif ambitieux nécessite une mobilisation soutenue de tous les acteurs : gouvernement, société civile, communautés, partenaires internationaux et, surtout, les filles elles-mêmes.
Le succès de cette entreprise dépendra de la capacité du pays à transformer en profondeur les structures sociales, économiques et culturelles qui perpétuent l'inégalité de genre et la discrimination contre les filles. Il faudra créer des conditions permettant aux femmes et aux filles d'être socialement, économiquement et politiquement indépendantes, libres et capables de prendre des décisions éclairées concernant le mariage, leur corps, leur éducation et leur emploi.
L'expérience sierra-léonaise offre des leçons précieuses pour d'autres nations confrontées à des défis similaires. Elle démontre qu'un changement significatif est possible lorsque la volonté politique, l'engagement de la société civile, le soutien international et la mobilisation communautaire convergent autour d'une vision commune de justice et d'égalité.
Conclusion
L'interdiction du mariage des enfants en Sierra Leone en 2024 marque un tournant historique dans la lutte pour les droits des filles et l'égalité de genre dans le pays et au-delà. Cette législation courageuse envoie un message puissant : les filles méritent de grandir dans la sécurité, de poursuivre leur éducation, de préserver leur santé et de réaliser pleinement leur potentiel.
Le chemin parcouru depuis le lancement de la campagne "Hands Off Our Girls" en 2018 jusqu'à la promulgation de la loi en 2024 témoigne de ce qui peut être accompli grâce à un leadership engagé, à une mobilisation populaire et à une collaboration étroite entre le gouvernement, la société civile et les partenaires internationaux. Les 149 chefs traditionnels qui se sont engagés contre le mariage des enfants, les milliers de jeunes filles qui ont rejoint des clubs dans des espaces sûrs, les organisations qui ont mené des campagnes de sensibilisation, et les parlementaires qui ont voté en faveur de cette loi ont tous contribué à cette victoire collective.
Cependant, la promulgation de la loi n'est que le début d'un processus de transformation qui s'étendra sur des années, voire des décennies. Les défis de mise en œuvre sont considérables : changer des mentalités ancrées depuis des générations, former les acteurs de justice, sensibiliser les communautés rurales, offrir des alternatives économiques aux familles vulnérables, et surtout veiller à ce que la loi bénéficie réellement aux filles qu'elle vise à protéger.
L'approche multisectorielle adoptée par la Sierra Leone, combinant législation, éducation gratuite, soutien économique, services de santé reproductive et mobilisation communautaire, offre un modèle prometteur pour aborder de manière holistique la question complexe du mariage des enfants. Le pays a reconnu que la criminalisation seule ne suffit pas et doit s'accompagner d'investissements substantiels dans des politiques et services transformateurs en matière de genre.
Le rôle de la Première Dame Fatima Maada Bio, elle-même survivante d'un mariage précoce évité de justesse, a été crucial pour donner une voix et un visage à cette cause. Son plaidoyer passionné, tant au niveau national qu'international, a contribué à placer le mariage des enfants au centre de l'agenda politique et social sierra-léonais. Son leadership illustre la puissance du témoignage personnel et de l'engagement déterminé dans la lutte pour les droits humains.
La Sierra Leone offre désormais un exemple inspirant pour d'autres pays d'Afrique et du monde confrontés à des taux élevés de mariage des enfants. L'expérience sierra-léonaise démontre qu'un changement transformateur est possible, même dans des contextes marqués par la pauvreté, les traditions profondément ancrées et les séquelles de conflits armés.
Alors que la Sierra Leone s'engage vers son objectif d'éliminer complètement le mariage des enfants d'ici 2030, l'attention du monde se tourne vers la mise en œuvre de cette loi historique. Le succès de cette entreprise ne se mesurera pas seulement au nombre de poursuites engagées, mais surtout au nombre de filles qui pourront grandir en sécurité, achever leur éducation, préserver leur santé et construire l'avenir qu'elles choisissent pour elles-mêmes. C'est dans la réalisation de ces aspirations légitimes que réside le véritable triomphe de cette législation pionnière.
Sources
1. Girls Not Brides - "Sierra Leone passes historic bill to end child marriage" (2024)
https://www.girlsnotbrides.org/articles/sierra-leone-passes-historic-bill-to-end-child-marriage/
2. Human Rights Watch - "Sierra Leone Acts to Ban Child Marriage" (28 juin 2024)
https://www.hrw.org/news/2024/06/28/sierra-leone-acts-ban-child-marriag
3. Amnesty International - "Sierra Leone: Historic bill to end child marriage passed" (9 juillet 2024)
https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/07/sierra-leone-historic-bill-to-end-child-marriage-passed-sustained-efforts-to-raise-community-awareness-must-now-follow/
4. SierraLII - "Protecting Children from Adult Affairs: An Appraisal of the Prohibition of Child Marriage Act 2024"
https://sierralii.gov.sl/articles/2024-07-09/Boy/protecting-children-from-adult-affairs-an-appraisal-of-the-prohibition-of-child-marriage-act-2024-and-its-implications-for-sierra-leone
5. Save the Children - "Sierra Leone Bans Child Marriage Following Campaign" (21 juin 2024)
https://www.savethechildren.org/us/about-us/media-and-news/2024-press-releases/sierra-leone-bans-child-marriage-following-campaign
6. Girls Not Brides - "Sierra Leone Child Marriage Atlas"
https://www.girlsnotbrides.org/learning-resources/child-marriage-atlas/regions-and-countries/sierra-leone/
7. Wikipedia - "Child marriage in Sierra Leone"
https://en.wikipedia.org/wiki/Child_marriage_in_Sierra_Leone
8. CNN - "Sierra Leone outlaws child marriage with new bill" (3 juillet 2024)
https://www.cnn.com/2024/07/03/africa/sierra-leone-outlaws-child-marriage-with-new-bill/index.html
9. Equality Now - "Understanding the new law against child marriage in Sierra Leone" (24 juillet 2024)
https://equalitynow.org/news_and_insights/understanding-the-new-law-against-child-marriage-in-sierra-leone/
10. PLOS One - "Associations between child marriage and reproductive and maternal health outcomes among young married women in Liberia and Sierra Leone" (20 mai 2024)
https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0300982
11. UNFPA Sierra Leone - "Child marriage"
https://sierraleone.unfpa.org/en/topics/child-marriage
12. UNICEF - "Ending child marriage and teenage pregnancy in Sierra Leone" (19 septembre 2017)
https://www.unicef.org/stories/ending-child-marriage-and-teenage-pregnancy-sierra-leone
13. UNICEF Sierra Leone - "Child protection"
https://www.unicef.org/sierraleone/child-protection
14. Brown University - "Maternal mortality in Sierra Leone"
https://sites.brown.edu/publichealthjournal/2023/05/02/maternal-mortality-in-sierra-leone/
15. Office of the President of Sierra Leone - "President Julius Maada Bio Launches the 'Hands Off Our Girls' Campaign" (14 décembre 2018)
https://statehouse.gov.sl/president-julius-maada-bio-launches-the-hands-off-our-girls-campaign-to-end-child-marriage-and-reduce-teenage-pregnancy-to-empower-women/
16. UNAIDS - "First Lady of Sierra Leone Fatima Maada Bio"
https://www.unaids.org/en/aboutunaids/unaidsambassadors/fatima-maada-bio
17. Teachers College Columbia University - "Sierra Leone's First Lady, Her Excellency Dr. Fatima Maada Bio, Visits TC" (1er avril 2024)
https://www.tc.columbia.edu/articles/2024/april/-sierra-leones-first-lady-her-excellency-dr-fatima-maada-bio-visits-tc/
18. Office of the First Lady of Sierra Leone - "Her Excellency Fatima Maada Bio"
https://firstlady.gov.sl/biography/
19. Africa Press - "Breaking Barriers Building Futures for Women and Girls" (20 octobre 2025)
https://www.africa-press.net/sierra-leone/all-news/breaking-barriers-building-futures-for-women-and-girls
20. Office of the President of Sierra Leone - "Presidential Press Kit" (24 juin 2025)
https://statehouse.gov.sl
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